L'Enfant fut écrit en exil, etnaquit dans la clandestinité : lorsque l'ouvrage parut sous un faux nom, en 1879, Jules Vallès, réfugié à Londres, était radié de la Société des gens de lettres et condamné à mort pour avoir participé à la Commune de Paris en 1871. Journaliste et critique littéraire, il est venu tard à la littérature : ce récit est le premier volet de sa célèbre trilogie, les Mémoires d'un révolté, dans laquelle il se met en scène sous le nom de Jacques Vingtras, pour raconter tour à tour son enfance (L'Enfant), son adolescence (Le Bachelier), et sa vie d'adulte entraîné dans les combats de la Commune (L'Insurgé).
Dédié « À tous ceux qui crevèrent d'ennui au collège ou qu'on fit pleurer dans la famille », ce récit d'enfance, dans la lignée de Sans famille d'Hector Malot ou de Poil de Carotte de Jules Renard, retrace les premières années du jeune Vingtras. Fils de professeur, élevé dans la misère, battu par son père, puni au collège, il grandit dans une révolte sourde ; alors que ses parents, issus d'un milieu rural, veulent à tout prix vivre en ville et accéder au rang de bourgeois, il n'aspire qu'à retrouver les joies simples de la campagne.
À la fois roman et autobiographie, ce récit doux-amer – « très vert, très ironique, original en diable », selon le mot de l'auteur – fut salué par Zola, qui écrivit : « Je désire qu'on lise ce livre. Si j'ai quelque autorité, je demande qu'on le lise, par amour du talent et de la vérité. Les œuvres de cette puissance sont rares. »